La Sagesse du Corps

Initiation à l’Ayurveda avec le Dr Maya

J’ai eu la chance de vivre trois semaines dans un centre ayurvédique, au sud de l’Inde, au milieu des fleurs et des papillons. Trois semaines pour ralentir, digérer, nettoyer. Une détox en profondeur, dont je vous partagerai le bilan dans un prochain article. Car aujourd’hui, je laisse la parole au Dr Maya, médecin référente du centre Ayurmana. Voici un extrait de sa conférence d’introduction à l’Ayurveda :

Pensez donc à nous. Ce que nous sommes n’est même pas un minuscule grain de poussière dans cet univers.
En Ayurveda, nous avons ce principe fondamental qui stipule que tout ce qui se trouve à l’intérieur du microcosme est une réplique du macrocosme. Tout ce qui est subtil à l’intérieur de nous est le reflet de quelque chose dans le cosmos.
Chaque particule de notre corps, si vous observez en profondeur, est faite d’atomes, de particules subatomiques : électrons, protons, neutrons. C’est pourquoi, lorsqu’on passe une IRM, sous l’influence d’un champ magnétique, que se passe-t-il ? Dans le cerveau, les protons et les neutrons s’alignent et permettent de produire une image contrastée.
Si l’on regarde encore plus profondément à l’intérieur du corps, on découvre une agrégation de produits chimiques : carbone, hydrogène, oxygène, azote. Et plus on observe, plus on comprend que ce sont des particules subatomiques, influencées sous forme d’énergie.

C’est exactement ce qu’est le principe fondamental de l’Ayurveda : Vata, Pitta et Kapha. Trois forces invisibles, présentes dans la nature comme en nous. Elles régulent toute notre physiologie, et contribuent aussi à notre anatomie.
Nous savons tous, en tant qu’êtres humains, que certains paramètres médicaux sont constants, quel que soit l’endroit du monde où l’on se trouve. Par exemple, la tension artérielle : 150/100 n’est normale pour personne. Elle doit être de 120/80. Cela vaut pour tout le monde, Indien, Européen, Africain… Le taux de sucre aussi, même chose.
Ces paramètres internes sont identiques, quelle que soit votre ethnie ou votre couleur de peau. Au fond, les humains ont tous la même anatomie, la même physiologie.

Et pourtant, il existe tant de différences entre les individus. Même des jumeaux identiques ont des personnalités et des caractères différents. Pourquoi ?

Prenez trois enfants dans une famille : chacun aura une constitution physique différente, un caractère différent, une façon de réagir et de se comporter différente. Qu’est-ce qui crée cela ? Encore une fois, la différence fondamentale réside dans la proportion de ces trois énergies dans le corps : Vata, Pitta et Kapha. Ces forces énergétiques primaires sont présentes dans chaque être humain, mais aussi dans tout être vivant. L’interaction de ces énergies détermine notre état de santé et notre bien-être. Et n’oubliez pas : ce sont des forces invisibles.

Alors, que voyons-nous ? Qu’est-ce que le corps ? Qu’est-ce qui le constitue ?

C’est là que les Panchabhutas entrent en jeu — les cinq éléments. Ce que nous voyons dans le corps, ce sont les dhatus : le sang, les muscles, les os, la moelle… Tous ces tissus sont appelés dhatus en Ayurveda. Il n’en existe que sept types. Les énergies fondamentales interagissent avec ces dhatus, et à travers cette interaction, les cellules s’agrègent pour former les tissus, les tissus forment les organes, et tous les organes ensemble forment notre corps.

Nous sommes tous nés d’une seule cellule. Cette cellule unique avec laquelle nous avons commencé notre vie portait déjà toute l’intelligence nécessaire pour le déroulement d’une vie entière. Elle était programmée. À la naissance, chacun de nous vient au monde avec une sorte de programmation. Cette cellule porte en elle la recette : l’ADN. Ce sont les codes de l’ADN qui décident de la manière dont les cellules vont fonctionner. Nous naissons de deux gamètes qui fusionnent pour donner naissance à cette cellule unique. Elle porte en elle toutes les informations d’une vie.

Nous sommes imprégnés des caractéristiques de nos parents. Et cela contribue à notre constitution, que nous appelons en Ayurveda : Prakriti. La proportion de ces trois énergies au moment de la conception détermine notre constitution. Si l’on considère une base de 100, alors 33,3 % de Vata, 33,3 % de Pitta et 33,3 % de Kapha représenteraient un équilibre parfait des trois doshas. Mais aucun d’entre nous ne possède ces proportions exactes. Il y a toujours des variations. Et ces différences vont influencer le fonctionnement de nos cellules. C’est cela qui détermine notre constitution. Ce qui fait que nous sommes différents de nos frères et sœurs ou de toute autre personne.

Ces caractéristiques sont appelées génotypiques — celles que nous héritons de nos parents. Par exemple : notre taille, la couleur ou la texture de nos cheveux, leur ondulation, leur pigmentation… Toutes ces choses sont décidées dès la naissance, au moment même où la cellule unique a été formée. Mais il existe aussi des caractéristiques dites phénotypiques, qui modifient la biologie de nos cellules en fonction de notre mode de vie et de notre environnement.

La cellule unique s’est ensuite multipliée. Lorsque nous sommes sortis de l’utérus, nous étions composés d’un quadrillion de cellules, issues de 50 réplications. N’est-ce pas incroyable ? Vous, moi, tous, nous avons commencé par une seule cellule… et cette cellule s’est ensuite multipliée, s’est réorganisée, a été remodelée, recyclée. Et ce processus continue tout au long de notre vie. 

Est-ce que cela est sous notre contrôle ? Non. Nous pouvons réguler certaines choses, mais pas tout.

Nous ne pouvons pas contrôler notre cœur, par exemple. Nous pouvons moduler son rythme, mais pas le contrôler totalement. Car le cœur est un organe qui fonctionne sans interruption depuis la naissance jusqu’à la fin de notre vie.
Le cœur ne dort jamais. Et s’il devait dormir, la vie s’arrêterait. Certains organes se mettent partiellement au repos pendant le sommeil, mais d’autres, comme le cœur, fonctionnent sans cesse, jusqu’à notre dernier souffle.

Chaque matin, lorsque vous vous réveillez, au lieu de vous plaindre de votre apparence, pourquoi ne pas poser vos paumes sur votre cœur et dire simplement : merci ?

Commencez la journée avec gratitude. La première personne à remercier, c’est votre cœur. Il y a tant de choses dont nous pouvons nous plaindre. Mais nous oublions d’être reconnaissants envers notre propre corps. Ce n’est que lorsqu’une douleur nous empêche de bouger que nous prenons conscience de l’importance de nos jambes. Pourtant, chacun de nos organes accomplit ses fonctions avec une excellence naturelle. Des millions de fonctions cellulaires se déroulent dans notre corps avec une précision extraordinaire.

Savez-vous combien de fois vous respirez par minute ? 

Entre 12 et 14 fois. Un maximum de 16. Au-delà, c’est signe de maladie. Des pathologies comme la pneumonie, par exemple, augmentent ce rythme. Mais nous pouvons réguler notre respiration grâce au yoga. Et savez-vous que les animaux qui vivent le plus longtemps — comme la tortue — ont une fréquence respiratoire de trois respirations par minute ? Tous les animaux ayant une plus longue espérance de vie ont un rythme respiratoire plus lent que les autres.
Savez-vous combien d’oxygène vous consommez chaque minute ? Environ 0,9 litre. Et à chaque inspiration, vous inhalez près de 10²² atomes d’oxygène. Cette quantité est nécessaire pour répondre aux besoins de nos milliards de globules rouges.

C’est incroyablement complexe, n’est-ce pas ? Mais nous n’y prêtons presque jamais attention. 

Personne ne nous apprend à respirer. Après notre naissance, on nous envoie à l’école. Mais personne ne nous apprend à respirer. L’air atmosphérique, lorsque vous l’inspirez, entre en contact avec votre corps en moins d’une minute. Il devient une partie de vous. Et comme tout l’oxygène n’est pas absorbé, une grande partie est expirée. Quelqu’un d’autre peut alors l’inspirer. Donc l’air que vous respirez maintenant, vous le partagez avec les autres. Ce lien invisible nous relie tous.
Et d’où vient cet oxygène ? Des plantes (elle montre les plantes dehors). Ce sont elles qui savent transformer la lumière du soleil en oxygène. Nous, nous ne savons pas le faire. Tout ce qui est sur cette planète est interconnecté.

Si je vous partage tout cela, c’est pour vous aider à mieux comprendre ce qu’est l’Ayurveda. Car c’est ce que nous faisons ici.

J’ai mentionné ces énergies parce qu’il est essentiel pour nous d’entreprendre un voyage intérieur par les mots.
Chaque matin, vous avez un cours de yoga à 6h30. Et souvent, vous vous demandez : pourquoi si tôt ? Nous sommes en vacances, nous aimons dormir jusqu’à 7 ou 8 heures, surtout si nous travaillons à la maison… Mais nous sommes ici pour réorganiser votre système corporel. Et la première chose à faire, c’est vous concentrer sur votre respiration.
Aucune école ne nous a appris à respirer. 

Quel a été votre tout premier pranayama ? 

Votre premier cri. Nous avons tous pleuré à la naissance, et c’est ainsi que nous avons pris notre premier souffle. Personne ne nous a appris à pleurer pour obtenir de l’oxygène. Nous l’avons fait comme si une intelligence innée savait déjà ce qu’il fallait faire. Car jusque-là, nous utilisions l’oxygène de notre mère. Dès que vous êtes sorti de son ventre, vous avez pleuré. Pourquoi ? Pour recevoir votre propre oxygène. Nous faisons du yoga ici tous les matins pour introduire ce changement dans votre routine, afin que vous puissiez continuer une fois rentrés chez vous.

Prenez un moment chaque matin pour vous asseoir paisiblement, et vous concentrer sur votre souffle. Le matin, quand vous vous réveillez, vous pensez toujours à recharger votre téléphone. Vous restez connectés à votre téléphone. Mais votre lien au monde passe avant tout par votre respiration. C’est la première chose que vous devez recharger chaque jour. Investissez du temps dans cela. Cela signifie que vous investissez dans votre vie. Nous appelons cela le Pranayama. Prana signifie « force vitale », Ayama signifie « expansion ». Le Pranayama, c’est l’expansion de la force vitale.

Pourquoi faites-vous du Pranayama ? Pour votre bien-être. Pour avoir une vie plus belle, plus équilibrée, sur cette planète.
Car chacun de nous est en train d’écrire l’histoire de sa propre vie.

Chaque expérience est enregistrée dans nos cellules. C’est pourquoi les cellules ont une mémoire énorme.
De cette cellule unique jusqu’à ce que nous sommes aujourd’hui, notre corps conserve les souvenirs de chacune de nos expériences. Et cette mémoire cellulaire est si compacte… qu’il est difficile de se la représenter.

En Bref

✔ Tu es une réplique vivante du cosmos : ce qui est en toi reflète l’univers entier.

✔ Vata, Pitta et Kapha sont les énergies invisibles qui façonnent ta physiologie et ton caractère.

✔ Ton corps est né d’une seule cellule, déjà porteuse de toute l’intelligence de ta vie.

Chaque respiration t’unit au vivant, aux autres, et au souffle du monde.

✔ Notre respiration influence directement notre santé, notre longévité et notre vitalité.

✔ Ton corps sait se guérir : il a juste besoin de ton soutien et de ton écoute.

Et si, dès demain matin, tu choisissais de te réveiller autrement ? La main sur le cœur, les yeux encore mi-clos, et un simple mot soufflé à ton corps : merci. Merci pour ce souffle, pour cette vie, pour ce lien invisible avec l’univers tout entier. Ce que nous rappelle Dr Maya, ce n’est pas une théorie ancienne, c’est une évidence oubliée : tu es faite de l’intelligence du vivant. Tu es un fragment du cosmos, un chant du souffle, une mémoire cellulaire en mouvement. Ton corps sait. Il sait comment se guérir. Il connaît le chemin. Il porte en lui l’intelligence de la vie, codée dans chacune de ses cellules, à condition que tu lui donne le temps et le soutien dont il a besoin. Pas besoin de tout contrôler. Juste réapprendre à respirer. Revenir au rythme juste. Créer les conditions pour que ton corps puisse faire ce qu’il sait déjà faire : se réparer, s’adapter, s’équilibrer. C’est là, la véritable sagesse : honorer le vivant en toi, et lui faire confiance.

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